Kapa Hawaïen : Un trésor culturel

Cet été a été l’occasion de vous proposer une collection d’accessoires réalisés avec des tissus Hawaïens dénichés à Honolulu.

Pourquoi à Honolulu ? Parce que j’avais besoin de tissus d’une qualité que je n’ai pas trouvée ici. Du tissu 100% coton avec une certaine résistance, des couleurs qui ne dégorgent pas au lavage, et je tenais à ce que les motifs soient au plus proches de la culture Hawaïenne.

Cette collection a été un prétexte pour me pencher sur l’histoire des tissus hawaïens. D’ailleurs, si vous avez l’habitude de me lire, vous savez combien j’adore faire des recherches sur l’histoire des tissus et de leurs motifs.

Dans cet article, je souhaite vous parler du Kapa, un tissu traditionnel originaire de l’archipel d’Hawaii, réalisé à partir d’écorces d’arbre. Ce tissu, véritable héritage culturel des îles hawaïennes, a pourtant bien failli disparaître. Mais grâce à la volonté sans faille de certains hawaïens, les procédés de fabrication ancestraux du Kapa ont pu être retrouvés et préservés, redonnant vie à ce tissu d’une qualité exceptionnelle.

Pour commencer, il est important d’évoquer rapidement la géographie et l’histoire d’Hawaï pour comprendre pourquoi l’art de fabrication du Kapa traditionnel Hawaïen a failli disparaitre dans l’oubli.

À la découverte de l’archipel d’Hawaï

Avant d’en apprendre davantage sur la conception du Kapa, prenons le temps de découvrir brièvement, ou de redécouvrir l’archipel d’Hawaï et son histoire.

Hawaï, ou Hawaii en hawaïen, est un archipel constitué de 137 îles isolées au cœur de l’océan Pacifique. Il a pour capitale la ville d’Honolulu, située sur l’île d’Oahu, l’une des 8 îles principales de l’archipel.

C’est un territoire polynésien découvert en 1778 par le capitaine James Cook, ainsi qu’un État des États Unis depuis 1959.

Falaises tropicales recouvertes d’une nature sauvage et luxuriante, volcans et fleurs d’hibiscus, eaux turquoises et paradis du surf… Ce sont souvent les images qui nous viennent à l’esprit en songeant aux îles hawaïennes, bien que l’archipel dispose également d’un riche héritage culturel, comme en témoigne le Kapa.

Si cet héritage culturel semble encore aujourd’hui méconnu, c’est en partie du fait de l’histoire tumultueuse de l’archipel, dont la culture et les traditions ont été bousculées par la mixité des habitants de l’archipel, impactant la transmission de certaines techniques traditionnelles, dont celle de la confection du Kapa. En effet dès le milieu des années 1930, l’archipel d’Hawaï accueille grand nombre de travailleurs étrangers, envoyés sur les terres agricoles de l’île pour la culture de la canne à sucre.

L’agriculture devient donc à l’époque l’un des atouts économiques majeurs de l’archipel, comme le montre l’île de Lanai que l’on surnomme “Pineapple Island”, premier exportateur mondial d’ananas (je comprends mieux pourquoi certains tissus Hawaïens ont des motifs d’ananas).

Dans les années 1880, les autochtones hawaïens représentaient seulement 20% de la population totale de l’archipel, et seulement 10% aujourd’hui.

Ce contexte historique explique pourquoi la culture indigène d’Hawaï a fortement été bousculée, à tel point que des générations d’Hawaïens ont grandi sans connaitre leur propre langue et leurs traditions.

Des traditions et histoires aujourd’hui en partie retrouvées, grâce au travail et à la motivation de passionnés.

La fabrication traditionnelle du Kapa hawaïen

La fabrication de tissu à base d’écorces existe dans d’autres îles du Pacifique (Tahiti, Fidji…). Néanmoins, le processus de fabrication du kapa par les Hawaïens est plus complexe que celui des autres cultures polynésiennes.

S’ils ont bien failli disparaître, les secrets de conception du Kapa ont pu être retrouvés grâce à la persévérance d’hommes et de femmes touchés par ce symbole de la culture polynésienne. Parmi ces hommes et ces femmes, des artistes, dont l’américaine Pua Van Dorpe, connue comme étant l’une des principales responsables du retour de l’art du Kapa dans les années 1970. Suite à un travail de recherche de plus de 40 années, elle est parvenue à retrouver les techniques ancestrales de la fabrication du Kapa, nous dévoilant les secrets de ce tissu des plus recherchés.

Découvrons tout de suite quels sont les processus de fabrication du Kapa ainsi que les colorants et outils traditionnels utilisés pour sa conception.

L’utilisation d’outils traditionnels

Loin des techniques industrielles de filage et de tissage des tissus que nous connaissons aujourd’hui, la confection du Kapa nécessitait l’usage d’outils traditionnels, permettant de travailler et de teindre les fibres de bois.

• Parmi ces outils, est utilisé un couteau à dents de requin. Ce couteau traditionnel servait à couper les arbres destinés à la fabrication du Kapa.
• Un batteur rond et lisse permet ensuite d’aplatir les fibres.
• Pour la troisième étape du travail du Kapa, on retrouve l’utilisation de l’i’e kūkū, ou batteur de Kapa. C’est une planche en bois avec un manche, qui dispose de quatre faces. Il est utilisé pour réaliser le pliage de la fibre végétale du Kapa, qui permet d’étendre et de ramollir les fibres du bois.
  Cet outil est réalisé à partir de bois dur, et dispose de rainures de différentes formes et largeurs, formant un design unique, véritable signature de chaque fabricant de Kapa.

Bien que le Kapa soit traditionnellement réalisé par les femmes, les outils traditionnels utilisés sont créés par les hommes.

Les étapes de fabrication du Kapa

Pour la fabrication du Kapa, les principales écorces et fibres de bois utilisées sont issues du Mûrier à papier (Broussonetia papyrifera), bien que l’on retrouve également des tissus réalisés à partir d’Arbre à pain (Artocarpus altilis), des arbres tropicaux répandus sur l’archipel hawaïen. Les hawaïens récoltaient de jeunes arbres, dont ils retiraient l’écorce externe des branches, pour mettre à tremper la partie interne de l’écorce dans un bain d’eau salée.

Après quelques jours, fibres de l’arbre ramollies pouvaient être déposées sur un kua kūkū, une tablette réalisée à partir de pierre polie. Sur cette tablette, les fibres sont battues avec un hōhoa, qui permet de les aplatir et de les attendrir.

Après de ces étapes, les fibres sont une dernière fois battues en utilisant l’i’e kūkū, qui leur confère un design particulier, en fonction de la forme et de la largeur des rainures. On utilise tout d’abord le côté disposant des rainures les plus larges, pour terminer avec le motif le plus fin, avant d’utiliser le côté plat de l’i’e kūkū pour la finition du tissu.

Le tissu peut ensuite être teint à partir de colorants naturels issus des plantes, de la terre, de l’écorce des arbres hawaïens et même des oursins pêchés sur l’archipel, obtenant ainsi de multiples combinaisons de teintes, un traitement des couleurs unique à l’archipel hawaïen.

Le Kapa sera une dernière fois trempé dans une huile de bancoulier qui permet de l’assouplir, avant de pouvoir être finalement utilisé.

Ce tissu, véritable trésor de l’artisanat hawaïen, est aujourd’hui encore particulièrement recherché.

Le tissu d’écorce moderne

Le tissu d’écorce moderne est fabriqué à partir de coton, tissé avec une forte densité. Il a une texture rugueuse similaire à celle de l’écorce d’un arbre, mais en moins prononcée.

Le tissu d’écorce en coton est plus accessible et plus abordable que le tissu d’écorce d’arbre. Il est utilisé pour la confection de chemises, de shorts, de robes et pour l’ameublement.

J’ai beaucoup hésité à vous proposer des accessoires avec du tissu d’écorce en coton, mais j’ai préféré opter pour du tissu en coton « classique », plus doux, résistant et adapté aux accessoires de la boutique. Un tissu d’écorce en coton un peu rugueux aurait pu éventuellement convenir pour un sac, par contre, ce n’est pas du tout adapté pour des serviettes de toilettes et les lingettes démaquillantes qui doivent être toute douces !

Vous l’avez compris, vous ne trouverez pas d’accessoires réalisés avec du Kapa Hawaiien dans la boutique, néanmoins, vous y trouverez de jolis accessoires confectionnés en France avec de beaux tissus en coton aux motifs typiquement Hawaïens qui proviennent tout droit d’Honolulu, et que vous ne trouverez nulle part ailleurs !

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