Pendant des décennies, des milliers d’enfants autochtones ont disparu du jour au lendemain, arrachés à leur famille sous prétexte d’éducation et de civilisation. Ils partaient sans bagages, sans adieux, pour ne jamais retrouver la vie qu’ils avaient laissée derrière eux intacte. Dans ces pensionnats où leur langue était interdite et leur culture éradiquée, ils ont grandi sous l’ombre du silence, du châtiment et du déracinement forcé.
Cette histoire n’appartient pas au passé. Ses échos résonnent encore dans la mémoire des survivants et dans les cicatrices des générations suivantes. Aujourd’hui, des écrivains autochtones et engagés ont pris la plume pour briser l’oubli et raconter l’indicible : l’arrachement, l’oppression, mais aussi la résilience, la transmission et la quête de soi.
À travers cette sélection de romans et de témoignages, je vous invite à plonger au cœur de cette tragédie. Parce que lire, c’est se souvenir. Et se souvenir, c’est refuser que l’histoire se répète.
Les pensionnats autochtones : Une politique d’effacement identitaire
Pendant plus d’un siècle, les pensionnats autochtones ont été le théâtre d’une violence institutionnalisée sous couvert de bienveillance. Derrière les murs austères de ces écoles imposées par l’État et les institutions religieuses, des milliers d’enfants ont été contraints d’oublier qui ils étaient. Ils portaient des noms qui n’étaient pas les leurs, priaient un dieu qu’on leur imposait, et devaient troquer leur langue maternelle contre des mots qui ne résonnaient pas en eux.
Certains ont tenté de résister, murmurant leurs prières ancestrales sous leurs couvertures, se racontant en cachette les histoires de leurs ancêtres pour ne pas les laisser mourir. Mais chaque tentative de rébellion était étouffée sous des châtiments brutaux. Loin de leurs familles, privés de tendresse et de liberté, ces enfants étaient façonnés pour devenir autre chose qu’eux-mêmes : des ombres déracinées, des âmes en exil.
Ce système, qui s’est étendu du Canada aux États-Unis, en passant par la Scandinavie et l’Australie, a laissé des cicatrices profondes. Certaines sont visibles, gravées sur les corps et les esprits, d’autres sont silencieuses, inscrites dans les absences, les peurs et les souvenirs qui se transmettent encore aujourd’hui.
Lire ces récits, c’est donner un visage à ces enfants, redonner une voix à ceux qu’on a voulu faire taire. C’est refuser l’oubli et porter, avec eux, la mémoire d’une injustice que l’histoire ne doit plus jamais répéter.
Les romans du déracinement autochtone : Une sélection essentielle
Témoignages et récits autobiographiques
On nous appelait les sauvages – Dominique Rankin
Dominique Rankin avait un destin tout tracé : celui de chef héréditaire algonquin. Mais l’Histoire en a décidé autrement. Enfant, il est arraché à sa famille et enfermé dans un pensionnat religieux où il apprend que sa langue, ses croyances et son identité n’ont pas leur place. Entre privations, humiliations et résistance silencieuse, ce témoignage poignant retrace son combat pour retrouver son héritage et devenir un passeur de mémoire.

Maikan (Le vent en parle encore) – Michel Jean
Maikan grandit bercé par la voix de la rivière et les histoires des anciens. Mais un jour, des hommes en uniforme viennent le chercher. Ils l’emmènent loin de chez lui, loin des siens, pour « faire de lui un homme ». Dans le pensionnat où il est enfermé, la violence remplace l’affection, le silence étouffe les cris. Michel Jean, lui-même innu, nous livre un roman bouleversant où l’arrachement et la perte d’identité résonnent comme un écho aux blessures de tout un peuple.

Le Chemin de la liberté – Doris Pilkington Garimara
Australie, années 1930. Trois fillettes aborigènes sont enlevées à leur famille et envoyées dans un centre de rééducation pour y être « civilisées ». Mais elles refusent l’effacement. Bravant l’interdit, elles s’échappent et entament un périple de plus de 1 500 kilomètres à travers le bush, guidées par une simple clôture. Basé sur une histoire vraie, ce récit bouleversant est un hommage à la force inébranlable de celles qu’on a voulu briser.

Romans sur les pensionnats autochtones
Jeu Blanc (Cheval indien) – Richard Wagamese
Saul Indian Horse a grandi sur des terres ojibwées, libre et insouciant. Puis on l’a arraché aux siens. Dans l’enfer du pensionnat, il découvre la violence, l’injustice, mais aussi une planche de salut inattendue : le hockey. Sur la glace, il devient un prodige, un espoir pour son peuple. Mais peut-on jamais réellement fuir son passé ? Un roman d’une grande justesse, où le sport devient un rempart contre l’anéantissement.

Straff – Ann-Helén Laestadius
Être sami, c’est être différent. C’est parler une langue qu’on interdit. C’est vivre selon des coutumes que l’État suédois méprise. Dans les internats où on enferme de force les enfants samis, il faut oublier qui l’on est pour espérer survivre. Entre violence physique et destruction identitaire, ce roman éclaire une page sombre de l’histoire de la Scandinavie et rend hommage à ceux qui ont résisté.

Benang – Kim Scott
Héritier d’une double ascendance aborigène et européenne, Harley sent qu’il n’appartient à aucun monde. Il cherche des réponses dans son passé, dans les histoires que l’on ne lui a jamais racontées. Mais l’Histoire officielle a déjà décidé pour lui : sa lignée a été « améliorée ». Inspiré de la politique australienne d’éradication des cultures autochtones, ce roman magistral explore la quête identitaire d’un homme à la recherche de ses racines.

Héritage des pensionnats et leurs séquelles intergénérationnelles
Kukum – Michel Jean
Ruth, jeune orpheline blanche, tombe amoureuse d’un Innu et choisit la vie nomade, celle des rivières, du canot et des grands espaces. Mais le monde change : l’arrivée des colons bouleverse l’équilibre ancestral, et bientôt, les siens sont sédentarisés de force, leurs enfants envoyés dans des pensionnats. Dans ce roman inspiré de faits réels, Michel Jean nous plonge dans l’histoire de la dépossession des Premières Nations et dans le combat d’une femme pour préserver un mode de vie que l’on veut effacer.

Les étoiles s’éteignent à l’aube – Richard Wagamese
Franklin n’a jamais vraiment connu son père, mais il accepte de l’accompagner dans une dernière expédition en pleine nature. En chemin, les non-dits se fissurent, laissant remonter les cicatrices du passé. Derrière les silences, il y a les traumatismes des pensionnats, la honte imposée, la transmission brisée. Un roman lumineux et puissant sur la réconciliation entre les générations.

Ici n’est plus ici – Tommy Orange
Douze voix, douze destins, une seule histoire : celle d’un peuple dispersé, exilé sur ses propres terres. Dans cette fresque contemporaine, des Amérindiens urbains tentent de donner un sens à leur héritage. Les pensionnats ne sont plus, mais leur ombre plane encore, dans la mémoire des ancêtres et les silences des parents. Un roman choral qui capte l’identité amérindienne d’aujourd’hui avec une acuité saisissante.

Celle qui parle aux corbeaux – Melissa Lucashenko
Kerry revient chez elle après des années d’errance. Rebelle et insolente, elle a toujours fui ses origines aborigènes. Mais l’histoire familiale la rattrape, entre secrets tus et blessures transgénérationnelles. La colonisation ne s’est pas arrêtée aux pensionnats : elle continue de façonner les vies, d’imposer des cicatrices. Un roman puissant sur la résilience et la nécessité de se réapproprier son héritage.

Histoire et contexte colonial (Les racines du problème)
Dans le grand cercle du monde – Joseph Boyden
Avant les pensionnats, il y avait déjà l’assimilation, l’évangélisation, les massacres. Ce roman historique nous plonge dans la confrontation brutale entre colons français et peuples autochtones au XVIIe siècle. À travers trois regards – un missionnaire jésuite, un chef huron et une captive iroquoise – Boyden raconte l’Histoire en brisant les visions manichéennes, mettant en lumière les tensions et alliances qui ont façonné le destin des Premières Nations.

Stöld – Ann-Helén Laestadius
Elsa a grandi en Laponie, attachée aux traditions samies et à l’élevage de rennes, un héritage que l’on tente de lui voler. Enfant, elle assiste à la mise à mort cruelle d’un de ses animaux par un braconnier, un acte qui marque le début d’une prise de conscience : son peuple est encore aujourd’hui marginalisé, opprimé, nié. À travers son regard, Laestadius met en lumière un pan méconnu de la colonisation européenne et ses conséquences durables sur l’identité sami.

Métaphores et dystopies sur le déracinement autochtone
Pilleurs de rêves – Cherie Dimaline
Et si les peuples autochtones détenaient la clé de la survie de l’humanité ? Dans un futur où l’humanité a perdu la capacité de rêver, la moelle osseuse des Premières Nations devient une ressource convoitée. Métaphore glaçante du vol d’identité, ce roman dystopique de Cherie Dimaline est un cri de révolte qui fait écho à l’histoire des pensionnats et des peuples déracinés.

Les livres à découvrir en un coup d’œil
Pourquoi ces lectures sont essentielles ? Parce qu’on ne peut pas tourner la page d’une histoire qu’on a pas lue. Ces romans et témoignages ne sont pas des vestiges du passé : ils sont des échos du présent.













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